Crier le féminisme. Je ne sais pas crier. J’ai peur de crier, du son qui sort de ma bouche. Alors je fais semblant j’ouvre et ça tire dans ma gorge je hausse la voix crécelle je veux taper du pied aussi et je vois les yeux du père et j’ai la gorge qui se noue.

Les grosses bouboules. Je pense à Jordy autodérision mais je n’ai toujours pas crié. J’ai peur de déranger, des fois j’avais même peur de respirer tellement ça allait me faire gonfler et on allait me remarquer et j’allais déranger.

Alors je pense ; et je pense au sens des mots aux sens tout court et je m’énerve, car je ne suis pas d’accord avec le sens qu’ont donné les grands et non les grandes de ce monde, ouais ils ont décidé pour tout le monde, sans en référer avec les intéressé·es

Mais tout ça c’est de la pensée, de la construction, du raisonnement pour m’empêcher de crier

Le Cri

primal

Il m’angoisse

et je ne supporte pas quand les autres crient – ça me renvoie sûrement trop ce que je ne m’autorise pas me dirait une psy –

au cours de théâtre on me dit plus fort, plus de colère, mais je n’y arrive toujours pas et quand on m’insulte mon poing part tout seul

j’ai quand même de l’instinct

donc quand le grand roux il continue de me drague au pub alors que j’ai dit non merci, quand il me pousse à bout et n’entends pas le non car je suis trop polie je lui fous une double claque latérale sur les oreilles qui le sonne sévère mais je ne crie toujours pas.

Mais qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?

au lit je jouis je rugis pas de souci

Mais dans l’espace public ?

une amie – devenue un – m’emmène à la mer pour me faire hurler sur les vagues et me décoincer les cordes vocales

Je tourne et retourne ma langue dans la bouche

Je la décroche et projette des sons dans l’air

Je crache mes mauvais sentiments

Ça sort ça dégueule

Sérieux

Je crie ?

 

Merci à l’Atelier d’écriture langue de lutte, de passage à Marseille en septembre 2018